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vendredi 14 octobre 2011

Le 11 juin 2011, l’inspiration : par quoy un dieu investirait l’inconscient ? Le poète songe modifier le titre de l’ouvrage qu’il est après écrire, non plus « Blocs, (& Journal afférent) », mais « Blocs, et journal afférent », et nous allons voir pourquoi.
(Mais auparavant de développer la chose, une note entre parenthèses afin d’expliquer la raison torte pour laquelle on pourra lire « quoy » et « pourquoi », et non pas « quoy » et « pourquoy », ou « quoi » et « pourquoi » : « quoy » vint pendant l’écriture dans le carnet de façon naturelle, spontanée, et il ne fut pas question de corriger cela, car le poète, de cette manière, affiche l’influence de ses lectures des textes anciens, son goût pour le moyen français et pour la présence de ce « y » ostentatoire et prestigieux en lieu et place du « i », son attrait pour la graphie à l’œil que défendaient certains écrivains et grammairiens de la Renaissance ; coquetterie, préciosité ? : et comment !)

En effet, la mise entre parenthèses de « & Journal afférent », indiquerait que le poète accorde une importance accessoire au journal accompagnant l’écriture des poèmes en bloc de l’ensemble en cours d’élaboration, or que nenni, poèmes en bloc et journal sont issus d’un souci commun de réflexion et de création ; l’un, le journal, accompagne les autres, les poèmes. Le choix de l’hyperbate dans la modification remet à sa place l’importance du journal, au final, plus conséquent que les poèmes. Quant au remplacement de l’esperluette (ou de la perluette) par le coordonnant « et », essayons de poser l’explication rationnelle qui, on le verra, se retournera sur elle-même.

PETITE LEÇON SUR LES ORIGINES DE L’ESPERLUETTE- L’& est ce qu’on appelle en typographie une ligature, assavoir la fusion de deux graphèmes, du « e » et du « t », cette ligature de graphèmes a produit le logogramme &. Du graphème au logogramme, voici l’évolution :

                      

L’origine dudit logogramme & est incertaine : Tiron, secrétaire de Cicéron, en serait l’inventeur, mais on n’en trouve pas trace dans ses manuscrits ; trace qu’en revanche et nombreusement on relève dans les manuscrits médiévaux : en effet, les copistes avaient l’habitude d’user d’abréviations de diverses natures (et rien ne prouve que ce fût par souci d’économiser le parchemin), et utilisaient l’& pour le coordonnant « et » ainsi que pour « etc. » (&c.). Cela étant, dans certains manuscrits, on pouvait trouver l’esperluette en lieu et place de « et » au sein d’un mot ; ainsi, dans les Serments de Strasbourg, on peut lire « faz& » pour « fazet » (fasse) (ligne 7) :


Au XIXe siècle, on considéra ce logogramme comme la 27ème lettre de l’alphabet, la dernière, appelée « ète », et les enfants, lorsqu’ils récitaient sagement l’alphabet dans les écoles, après le Z, prononçaient ces mots latins pour se souvenir de ladite 27ème lettre : « et, per se, et » (et, en soi, et) ; qui devint esperluette. Le poète vit pour la première fois l’esperluette pendant le temps où, jeune lecteur, il lisait les écrivains de la Beat Generation, chez Jack Kerouac notamment, et chez quelques poètes français héritiers du mouvement, comme Hervé Merlot :
& cette longue détresse qui hurle dans l’infini du corps
dans un réseau de nerfs à la trame serrée
l’ouvrage de Vulcain un soir d’après débauche
le nœud de sa mémoire
& son grain – je suis dit-elle
ta promesse l’écartement des doigts
sur l’hexagramme d’un temps moissonné avant-hier
en Egypte ou sur un bûcher
dont il m’est souvenance quelquefois à minuit
quand mes hiboux halètent & se dispersent
entre mes cuisses drues
la sueur les cris cheveux poissés de sang sur les draps
qui ravive l’ardeur
je de rigueur & de perdition

(La Femme métamorphique, Le Dé Bleu, 1986)

Mais cette gentille digression n’argumente guère sur la raison pour quoi le poète veut remplacer l’esperluette par « et », voire au contraire : : : elle tendrait à défendre la place de ladite esperluette, d’autant que si le Moyen Âge et la Beat Generation en usèrent fort, les poètes de la Renaissance en usèrent de même, et copieusement (pour des raisons d’élégance visuelle ?), le sonnet XXVI de L’Olive de Du Bellay tiendra pour exemple :

La nuit m’est courte, & le jour trop me dure,
Je fuy l’amour ; & le suy’ à la trace,
Cruel me suis, & requier’ vostre grace,
Je pren’ plaisir au tourment que j’endure.

Je voy’ mon bien, & mon mal je procure,
Desir m’enflamme, & crainte me rend glace,
Je veux courir, & jamais ne déplace,
L’obscur m’est cler, & la lumiere obscure.

Vostre je suis, & ne puis estre mien,

Mon corps est libre, & d’un etroit lien
Je sen’ mon cœur en prison retenu.

Obtenir veux, & ne puis requerir,
Ainsi me blesse, & ne me veult guerir
Ce vieil enfant, aveugle archer, & nu.

Moyen Âge, Renaissance, Beat Generation, voilà deux  raisons de changer d’avis en cours d’argumentatio, et d’aller outre les scrupules de n’avoir mie en usage l’esperluette, ainsidoncques sera-t-elle maintenue : « Blocs, & Journal afférent »

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