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jeudi 10 novembre 2011

Le 24 juin 2011, après une matinée très-agréablement laborieuse, il se fait sentir la nécessité d’une marche ; édonc, son urgence. Car il faut au corps son expansion physique de ce qui fut dans l’esprit et augmenter encore le volume des sensations : en effet, l’expansion physique de ce qui fut dans l’esprit dans le bien-être du corps en mouvement de longue marche produit un afflux de sensations pensives. Le poète se rend dans un « village de caractère » loué par F. comme étant magnifique et « à voir ! » : par quoi il décide qu’une marche autour de Chalencon s’impose ; lisant, ce auparavant, ce qu’en dit le site internet municipal :  

Au coeur du Vivarais, pelotonné à 700 m d'altitude au flanc d'un cône rocheux, Chalencon domine à l'Est le plateau vernousain. A l'Ouest, ses terrasses de pierres sèches et ses châtaigneraies centenaires contemplent sereinement la profonde et sauvage vallée de l'Eyrieux, comme l'indiquent les 2 tables d'interprétation. Les paysages, le panorama ainsi que le patrimoine historique font de Chalencon un des villages les plus pittoresques du parc naturel des monts d'Ardèche.

A 45 minutes de Valence, et de Privas, au sein du Parc Naturel Régional des monts d'Ardèche, assis sur les pentes d'une montagne en forme de cône, Chalencon, village de caractère, aux maisons en pierres de granit, domine depuis son oppidum le plateau de Vernoux, les contreforts des alpes et du Vercors à l'Est et la vallée de l'Eyrieux à l'Ouest.

Les innombrables chemins de randonnée qui partent de Chalencon offrent au regard du promeneur des paysages sculptés au fil des siècles par l'homme, les sources et les rivières qui demeurent intacts de beautés et de couleurs.

Cette gentille prose à touristes n’encourage guère, sinon pas, le désir d’un arpentage pédestre approfondi afin que des pieds remontent les sensations tant attendues exposées ci-un-peu-au-dessus. Faisant fi, le poète néanmoins s’y rend ; de Vernoux à Chalencon la route serpente, et le paysage, à l’approche du village, laisse présager une marche profitable. Suivons le poète qui se rend à la mairie récolter quelque renseignement qui le mettrait sur un beau sentier, mais où l’employée, non sans un sourire condescendant, vous renvoie au syndicat d’initiative situé un peu plus haut, dans le vieux village, lequel est, le vieux village, très typé, calme, dont le poète ne verra guère âme vive, maisons en pierre et rues empierrées forment une harmonie plaisante à recevoir dans les yeux, d’autant que la propreté et l’entretien des lieux semble être une préoccupation municipale que le poète constate non sans saluer mentalement cet effort-là mais :

le syndicat d’initiative ouvre à 15 heures

L

Il est 14 heures. Il faut par conséquence de quoi laisser passer l’agacement primaire qui s’impose immédiatement au poète qui se dit, sans la moindre pitié contre des horaires si peu adaptés aux circonstances estivales quoiqu’ils fussent probablement adaptés aux heures de sieste des habitants de cette région, voire, qui se dit… mais nous ne trahirons point les méchantes pensées du poète à cet instant-même, qu’il oublie dès qu’il aperçoit un balisage jaune et blanc au coin d’une maison, décidant alors de suivre, à l’instinct, ce balisage-là, un sentier de PR ; il marchera en suivant les indications de son instinct. Il fera demi-tour après deux heures (l’instinct sera simplifié à son maximum, le lecteur le constatera). Suivre le PR signifie, présentement, monter encore, abruptement, quoi permet d’une part une meilleure digestion mais aussi, surtout, soyons moins prosaïque, de découvrir les lieux en tant qu’ancienne place forte, puis, parvenu en haut, dominant village et vallée, marcher sur ce qui pourrait être les vestiges de l’oppidum, très empierré et casse-cheville, où le poète fera cette rencontre saugrenue d’une femme très très court vêtue sur le bas, et très très serrée sur le haut, et, au bout des jambes, portant des chaussures à talons d’une hauteur défiant celle de la tour Eiffel, et qui, à son passage, lui demandera, non sans une pointe d’inquiétude peu dissimulée, et avant que le mâle, à chemise dépoitraillante et bedaine débordante portée par des mocassins de ville, ne la rejoigne, « c’est loin Chalencon ? », à quoi, non sans un immense sourire esquissé à l’intérieur de son enveloppe corporelle, le poète répondra, « non, c’est juste en bas… », ensuite de quoi, il reprendra sa marche en accélérant le pas afin de s’éloigner au plus vite de ces opportuns susceptibles de contrarier la montée des sensations attendues. Le poète marchera un peu plus de trois heures en suivant son instinct de rythme, et dans le désordre de la mémoire entrecoupée de grands laps de vide il retiendra l’excitante impression d’avoir repéré un couple de grands corbeaux, l’amusante rencontre d’un troupeau de chèvres au cœur duquel régnaient deux boucs barbus et aux couilles fort pendantes, l’horripilante apparition, une nouvelle fois, d’un chien aboyeur et menaçant, la quantité impressionnante de fétuque bleue, la tranquillité d’une maison isolée, la sereine passivité d’un ancien assis sur un banc, l’heureuse absence d’êtres humains, un superbe potager, l’étonnante abondance de merisiers, la belle découverte de deux coulemelles, l’imprévue venue de bribes ou d’amorces de pensées que les pas font revenir du fond du corps-pensant, une entêtante odeur impossible à identifier (qui serait, pourra-t-on apprendre grâce à M., celle des fleurs de châtaigniers), les succulentes fraises des bois cueillies sur une bordure et mangées. Quoique la marche soit linéaire, rien de ce qui la concerne ne peut être jugé comme linéaire, un constant coq-à-l’âne la détermine, pensées ou perceptions ; et celle-ci suivit une pente fabuleuse et aura voire remué le fond littéraire du poète ; le désir d’écrire doit être maintenu sous tension.

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